Les martyrs de Vingré : Pierre GAY, Henri FLOCH, Claude PETTELET, Francisque DURANTET, Jean QUINAULT, Jean BLANCHARD
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oliv06
chris
LeXav
youloveme82
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Les martyrs de Vingré : Pierre GAY, Henri FLOCH, Claude PETTELET, Francisque DURANTET, Jean QUINAULT, Jean BLANCHARD
Pour commencer, je souhaite que vous mettiez un visage sur ces noms.
Fin 1914, le 298 RI est dans l’Aisne sur le plateau de Confrécourt devant Vingré. Les offensives, nombreuses, sont extrêmement meurtriers.
L’affaire des martyrs de Vingré débute le 27 Novembre 1914.
Voici des extraits du JMO du 298e RI relatant les événements de cette journée.
Voici un plan du secteur figurant dans le JMO pour ce jour
Ce que le JMO ne dit pas de cette journée, c’est que lors de la prise de la 1ere ligne par les Allemands, le sous lieutenant Paulaud donne l’ordre à 2 escouades de se replier vers l’abri du chef de section. Le commandant de compagnie, le lieutenant Paupier, reproche au sous lieutenant Paulaud d’avoir abandonné son poste et lui ordonne de regagner la 1ere ligne. Lors de l’enquête sur les événements, le sous lieutenant Paulaud tait son ordre de repli.
L’affaire va se poursuivre pas la réunion d’un conseil de guerre spécial
« Art. 6 : Les jugements rendus par les conseils de guerre spéciaux ne sont susceptibles ni de recours en révision, ni de pourvois en cassation. Ne pas hésiter à faire usage des conseils de guerre spéciaux. […] Il importe en effet que la procédure soit expéditive, pour qu’une représsion immédiate donne, par d’exemples salutaires, l’efficacité à attendre d’une juridication d’exception » Général de Villaret, 20 octobre 1914
Ce Général de Villaret, commandant du corps d’Armée, veut faire un exemple à la suite de cet « abandon de poste devant l’ennemi » pour rétablir la discipline. Ce dernier souhaite dans un premier temps faire fusiller les 2 escoudes. Des officiers interviennent auprès du général pour le faire revenir sur sa décision. Ce dernier finit par décider de condamner 6 soldats pris au hasard parmi les 24 hommes.
Voici l’extrait du JMO daté du 3 décembre 1914, jour du conseil de guerre spécial
Voici le témoignage du sous-lieutenant Bodé chargé de la défense des accusés.
« 3 décembre. On m’a apprit que le conseil de guerre se tiendrait vers 17 heures et que j’étais désigné pour la défense des 24 accusés. Il était 15 heures environ et lorsque les dossiers me furent remis, je les parcouru en hâte puis je me rendis auprès des accusés avec lesquels je n’eu que quelques minutes d’entretien. A 17 heures, le conseil entrait en séance. Les accusés répétèrent les déclarations qu’ils avaient déjà faites. Puis je suppliais le conseil de ne pas retenir l’accusation d’abandon de poste devant l’ennemi. »
Le lieutenant Achalme a le rôle de commissaire du gouvernement a requis la peine de mort contre les 24 accusés.
Le jugement est rapide. On demande aux 24 soldats de se mettre « comme vous étiez dans la tranchée » puis on ordonna « les six premiers sortez » et on les informa qu’ils étaient condamnés à mort.
La suite est à venir
Jérémy
Fin 1914, le 298 RI est dans l’Aisne sur le plateau de Confrécourt devant Vingré. Les offensives, nombreuses, sont extrêmement meurtriers.
L’affaire des martyrs de Vingré débute le 27 Novembre 1914.
Voici des extraits du JMO du 298e RI relatant les événements de cette journée.
Voici un plan du secteur figurant dans le JMO pour ce jour
Ce que le JMO ne dit pas de cette journée, c’est que lors de la prise de la 1ere ligne par les Allemands, le sous lieutenant Paulaud donne l’ordre à 2 escouades de se replier vers l’abri du chef de section. Le commandant de compagnie, le lieutenant Paupier, reproche au sous lieutenant Paulaud d’avoir abandonné son poste et lui ordonne de regagner la 1ere ligne. Lors de l’enquête sur les événements, le sous lieutenant Paulaud tait son ordre de repli.
L’affaire va se poursuivre pas la réunion d’un conseil de guerre spécial
« Art. 6 : Les jugements rendus par les conseils de guerre spéciaux ne sont susceptibles ni de recours en révision, ni de pourvois en cassation. Ne pas hésiter à faire usage des conseils de guerre spéciaux. […] Il importe en effet que la procédure soit expéditive, pour qu’une représsion immédiate donne, par d’exemples salutaires, l’efficacité à attendre d’une juridication d’exception » Général de Villaret, 20 octobre 1914
Ce Général de Villaret, commandant du corps d’Armée, veut faire un exemple à la suite de cet « abandon de poste devant l’ennemi » pour rétablir la discipline. Ce dernier souhaite dans un premier temps faire fusiller les 2 escoudes. Des officiers interviennent auprès du général pour le faire revenir sur sa décision. Ce dernier finit par décider de condamner 6 soldats pris au hasard parmi les 24 hommes.
Voici l’extrait du JMO daté du 3 décembre 1914, jour du conseil de guerre spécial
Voici le témoignage du sous-lieutenant Bodé chargé de la défense des accusés.
« 3 décembre. On m’a apprit que le conseil de guerre se tiendrait vers 17 heures et que j’étais désigné pour la défense des 24 accusés. Il était 15 heures environ et lorsque les dossiers me furent remis, je les parcouru en hâte puis je me rendis auprès des accusés avec lesquels je n’eu que quelques minutes d’entretien. A 17 heures, le conseil entrait en séance. Les accusés répétèrent les déclarations qu’ils avaient déjà faites. Puis je suppliais le conseil de ne pas retenir l’accusation d’abandon de poste devant l’ennemi. »
Le lieutenant Achalme a le rôle de commissaire du gouvernement a requis la peine de mort contre les 24 accusés.
Le jugement est rapide. On demande aux 24 soldats de se mettre « comme vous étiez dans la tranchée » puis on ordonna « les six premiers sortez » et on les informa qu’ils étaient condamnés à mort.
La suite est à venir
Jérémy
youloveme82- Admin
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Re: Les martyrs de Vingré : Pierre GAY, Henri FLOCH, Claude PETTELET, Francisque DURANTET, Jean QUINAULT, Jean BLANCHARD
Salut Jérèm,
Waouh ...........lire ça au petit matin me donne froid dans le dos..............
Jusqu'à peu (une quinzaine d' année tout au plus), les exécutions pour l'exemple que l'on peut qualifier de "sommaires"ont été niées par certains historiens et y compris l'armée....
Pourtant combien sont tombés sous les balles des pelotons d'exécution..............
Merci de ce témoignage
Amicalement
Xavier
Waouh ...........lire ça au petit matin me donne froid dans le dos..............
Jusqu'à peu (une quinzaine d' année tout au plus), les exécutions pour l'exemple que l'on peut qualifier de "sommaires"ont été niées par certains historiens et y compris l'armée....
Pourtant combien sont tombés sous les balles des pelotons d'exécution..............
Merci de ce témoignage
Amicalement
Xavier
LeXav- Admin
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chris- Gold member
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Re: Les martyrs de Vingré : Pierre GAY, Henri FLOCH, Claude PETTELET, Francisque DURANTET, Jean QUINAULT, Jean BLANCHARD
Bonjour,
merci pour cette terrible premiere partie.
Un gros plus pour les photos de ces malheureux.
Olivier.
merci pour cette terrible premiere partie.
Un gros plus pour les photos de ces malheureux.
Olivier.
oliv06- Admin
- Messages : 6651
Date d'inscription : 27/05/2010
Localisation : sud
Re: Les martyrs de Vingré : Pierre GAY, Henri FLOCH, Claude PETTELET, Francisque DURANTET, Jean QUINAULT, Jean BLANCHARD
Bonjour,
Merci pour vos messages.
Voici la suite.
Le lendemain du conseil de guerre spécial, les soldats sont amenés par un piquet de 50 hommes en arme sur le lieu de l'exécution après avoir passé la nuit dans le poste de police.
Voici des photos du poste de police supposé qui se situe à quelques dizaines de mètres du lieu d'exécution.
Le monument situe le lieu de l'exécution. La photo a été prise de la sortie du poste de police.
Voici le JMO du 4 décembre.
Voici quelques témoignages de cet évènement
Abbé DUBOURG, Aumônier militaire du groupe B
" J'étais à 7 heures avec un de mes confrères auprès des 6 malheureux qui allaient mourir. Ils étaient tous les 6 ensemble dans une petite cave qui leur servait de prison. C'est là que je vis votre mari. Il se confessa admirablement... Puis nous avons quitté la petite cave et nous nous sommes acheminés vers le lieu de l'exécution. "
J.B GRUSSON du 238e RI
" Avec Jules, je fais partie du peloton qui les encadre, baïonnette au canon, pour les mener au lieu d'exécution où le régiment est réuni. Les aumôniers leur parlent et les embrassent, on leur lie les main qu'on attache ensuite à un poteau. On leur bande les yeux, l'adjudant Delmotte qui commande le peloton d'exécution abaisse son sabre ; 72 fusils partent à la fois et les 6 martyrs tombent sans un cri. Un sous-officier vient leur donner le coup de grâce. "
J DUMONT du 238e RI
" Ensuite toutes les compagnies ont défilé devant les cadavres renversés au pied des poteaux. Quel spectacle horrible ! Je n'ai pu m'empecher de pleurer. Moi et les autres. Tous, officier, sous-officiers et soldats étaient atterrés. "
C LAFLOQUE du 298e RI
" A ce moment, le commandant du 5e bataillon paradant s'avance vers le lieutenant commandant la 19e compagnie, baissant la tête et ayant les larmes, il lui dit : " P.........., relevez la tête ". La compagnie rentra dans son cantonnement dans une grotte de Vingré. Le silence régna toute la journée. Nous étions les grands muets forcés d'obéir à des officiers qui s'étaient solidarisés pour éviter leur responsabilité, en faisant retomber toutes les fautes sur les soldats. "
Sergent Grenier du 298e RI
" C'est honteux, honteux, et c'est pour nous donner une leçon, nous remonter le moral, nous donner du courage. Pour le moment on ne peut rien dire, mais quand je pourrai parler, je dirai ce que j'ai sur le coeur et puisque nous n'avons pas pu sauver leur vie, nous sauverons leur honneur. "
Voici le monument situé sur le lieu de l'exécution des 6 soldats.
J'ai laissé au pied du monument la dernière lettre de Jean Blanchard à sa femme
La voici.
" 3 décembre 1914, 11 heures 30 du soir
Ma chère Bien-aimée, c'est dans une grande détresse que je me mets à t'écrire et si Dieu et la Sainte Vierge ne me viennent en aide c'est pour la dernière fois, ....
Je vais tâcher en quelques mots de te dire ma situation mais je ne sais si je pourrai, je ne m'en sens guère le courage. Le 27 novembre, à la nuit, étant dans une tranchée face à l'ennemi, les Allemands nous ont surpris, et ont jeté la panique parmi nous, dans notre tranchée, nous nous sommes retirés dans une tranchée arrière, et nous sommes retournés reprendre nos places presque aussitôt, résultat: une dizaine de prisonniers à la compagnie dont un à mon escouade, pour cette faute nous avons passé aujourd'hui soir l'escouade (vingt-quatre hommes) au conseil de guerre et hélas! nous sommes six pour payer pour tous, je ne puis t'en expliquer davantage ma chère amie, je souffre trop, l'ami Darlet pourra mieux t'expliquer, j'ai la conscience tranquille et me soumets entièrement à la volonté de Dieu qui le veut ainsi; c'est ce qui me donne la force de pouvoir t'écrire ces mots, ma chère bien-aimée, qui m'as rendu si heureux le temps que j'ai passé près de toi, et dont j'avais tant d'espoir de retrouver. Le 1er décembre au matin on nous a fait déposer sur ce qui s'était passé, et quand j'ai vu l'accusation qui était portée contre nous et dont personne ne pouvait se douter, j'ai pleuré une partie de la journée et n'ai pas eu la force de t'écrire...
Oh ! bénis soient mes parents qui m'ont appris à la connaître ! Mes pauvres parents, ma pauvre mère, mon pauvre père, que vont-ils devenir quand ils vont apprendre ce que je suis devenu ? Ô ma bien-aimée, ma chère Michelle, prends-en bien soin de mes pauvres parents tant qu'ils seront de ce monde, sois leur consolation et leur soutien dans leur douleur, je te les laisse à tes bons soins, dis-leur bien que je n'ai pas mérité cette punition si dure et que nous nous retrouverons tous en l'autre monde, assiste-les à leurs derniers moments et Dieu t'en récompenseras, demande pardon pour moi à tes bons parents de la peine qu'ils vont éprouver par moi, dis-leur bien que je les aimais beaucoup et qu'ils ne m'oublient pas dans leurs prières, que j'étais heureux d'être devenu leur fils et de pouvoir les soutenir et en avoir soin sur leurs vieux jours mais puisque Dieu en a jugé autrement, que sa volonté soit faite et non la mienne. Au revoir là-haut, ma chère épouse.
Jean "
D'autres lettres des fusillés
Jean QUINAULT à sa femme.
" Je t'écris mes dernières nouvelles. C'est fini pour moi. J'ai pas le courage. Il nous est arrivé une histoire dans la compagnie. Nous sommes passés 24 au conseil de guerre. Nous sommes 6 condamnés à mort. Moi, je suis dans les 6 et je ne suis pas plus coupable que les camarades, mais notre vie est sacrifiée pour les autres. Dernier adieu, chère petite femme. C'est fini pour moi. Dernière lettre de moi, décédé pour un motif dont je ne sais pas bien la raison. Les officiers ont tous les torts et c'est nous qui sommes condamnés à payer pour eux. Jamais j'aurais cru finir mes jours à Vingré et surtout d'être fusillés pour si peu de chose et n'être pas coupable. Ça ne s'est jamais vu, une affaire comme cela. Je suis enterré à Vingré ... "
Henri FLOCH à sa femme.
" Ma bien chère Lucie, Quand cette lettre te parviendra, je serai mort fusillé. Voici pourquoi : le 27 novembre, vers 5 heures du soir, après un violent bombardement de deux heures, dans une tranchée de première ligne, et alors que nous finissions la soupe, des Allemands se sont amenés dans la tranchée, m’ont fait prisonnier avec deux autres camarades. J’ai profité d’un moment de bousculade pour m’échapper des mains des Allemands. J’ai suivi mes camarades, et ensuite, j’ai été accusé d’abandon de poste en présence de l’ennemi.
Nous sommes passés vingt-quatre hier soir au Conseil de Guerre. Six ont été condamnés à mort dont moi. Je ne suis pas plus coupable que les autres, mais il faut un exemple. Mon portefeuille te parviendra et ce qu’il y a dedans. Je te fais mes derniers adieux à la hâte, les larmes aux yeux, l’âme en peine. Je te demande à genoux humblement pardon pour toute la peine que je vais te causer et l’embarras dans lequel je vais te mettre…
Ma petite Lucie, encore une fois, pardon. Je vais me confesser à l’instant, et espère te revoir dans un monde meilleur. Je meurs innocent du crime d’abandon de poste qui m’est reproché. Si au lieu de m’échapper des Allemands, j’étais resté prisonnier, j’aurais encore la vie sauve. C’est la fatalité.
Ma dernière pensée, à toi, jusqu’au bout.
Henry Floch "
Avoir un fusillé dans sa famille est lourd de conséquences. Les femmes n'auront aucune pension de veuve de guerre et il y a le regard des autres est très difficile à supporter. La fils de Claude Pettelet dû arrêter l'école et sa mère sortait armée à la suite de nombreuses menaces.
Il fallait des figures et des exemples de " mauvais soldats " pour motiver la troupe. Le regard était très sévère de la part des autres femmes qui avaient encore leur mari dans les tranchées. La figure du fusillé est celui du lâche cette époque.
Il faut savoir que les exécution pour l'exemple ont été plus nombreuses dans les années 1914-1915 qu'en 1917 qui est pourtant connue pour ses mutineries.
Les soldats de Vingré furent réhabilités par la Cour de Cassation le 29 janvier 1921.
Jérémy
Merci pour vos messages.
Voici la suite.
Le lendemain du conseil de guerre spécial, les soldats sont amenés par un piquet de 50 hommes en arme sur le lieu de l'exécution après avoir passé la nuit dans le poste de police.
Voici des photos du poste de police supposé qui se situe à quelques dizaines de mètres du lieu d'exécution.
Le monument situe le lieu de l'exécution. La photo a été prise de la sortie du poste de police.
Voici le JMO du 4 décembre.
Voici quelques témoignages de cet évènement
Abbé DUBOURG, Aumônier militaire du groupe B
" J'étais à 7 heures avec un de mes confrères auprès des 6 malheureux qui allaient mourir. Ils étaient tous les 6 ensemble dans une petite cave qui leur servait de prison. C'est là que je vis votre mari. Il se confessa admirablement... Puis nous avons quitté la petite cave et nous nous sommes acheminés vers le lieu de l'exécution. "
J.B GRUSSON du 238e RI
" Avec Jules, je fais partie du peloton qui les encadre, baïonnette au canon, pour les mener au lieu d'exécution où le régiment est réuni. Les aumôniers leur parlent et les embrassent, on leur lie les main qu'on attache ensuite à un poteau. On leur bande les yeux, l'adjudant Delmotte qui commande le peloton d'exécution abaisse son sabre ; 72 fusils partent à la fois et les 6 martyrs tombent sans un cri. Un sous-officier vient leur donner le coup de grâce. "
J DUMONT du 238e RI
" Ensuite toutes les compagnies ont défilé devant les cadavres renversés au pied des poteaux. Quel spectacle horrible ! Je n'ai pu m'empecher de pleurer. Moi et les autres. Tous, officier, sous-officiers et soldats étaient atterrés. "
C LAFLOQUE du 298e RI
" A ce moment, le commandant du 5e bataillon paradant s'avance vers le lieutenant commandant la 19e compagnie, baissant la tête et ayant les larmes, il lui dit : " P.........., relevez la tête ". La compagnie rentra dans son cantonnement dans une grotte de Vingré. Le silence régna toute la journée. Nous étions les grands muets forcés d'obéir à des officiers qui s'étaient solidarisés pour éviter leur responsabilité, en faisant retomber toutes les fautes sur les soldats. "
Sergent Grenier du 298e RI
" C'est honteux, honteux, et c'est pour nous donner une leçon, nous remonter le moral, nous donner du courage. Pour le moment on ne peut rien dire, mais quand je pourrai parler, je dirai ce que j'ai sur le coeur et puisque nous n'avons pas pu sauver leur vie, nous sauverons leur honneur. "
Voici le monument situé sur le lieu de l'exécution des 6 soldats.
J'ai laissé au pied du monument la dernière lettre de Jean Blanchard à sa femme
La voici.
" 3 décembre 1914, 11 heures 30 du soir
Ma chère Bien-aimée, c'est dans une grande détresse que je me mets à t'écrire et si Dieu et la Sainte Vierge ne me viennent en aide c'est pour la dernière fois, ....
Je vais tâcher en quelques mots de te dire ma situation mais je ne sais si je pourrai, je ne m'en sens guère le courage. Le 27 novembre, à la nuit, étant dans une tranchée face à l'ennemi, les Allemands nous ont surpris, et ont jeté la panique parmi nous, dans notre tranchée, nous nous sommes retirés dans une tranchée arrière, et nous sommes retournés reprendre nos places presque aussitôt, résultat: une dizaine de prisonniers à la compagnie dont un à mon escouade, pour cette faute nous avons passé aujourd'hui soir l'escouade (vingt-quatre hommes) au conseil de guerre et hélas! nous sommes six pour payer pour tous, je ne puis t'en expliquer davantage ma chère amie, je souffre trop, l'ami Darlet pourra mieux t'expliquer, j'ai la conscience tranquille et me soumets entièrement à la volonté de Dieu qui le veut ainsi; c'est ce qui me donne la force de pouvoir t'écrire ces mots, ma chère bien-aimée, qui m'as rendu si heureux le temps que j'ai passé près de toi, et dont j'avais tant d'espoir de retrouver. Le 1er décembre au matin on nous a fait déposer sur ce qui s'était passé, et quand j'ai vu l'accusation qui était portée contre nous et dont personne ne pouvait se douter, j'ai pleuré une partie de la journée et n'ai pas eu la force de t'écrire...
Oh ! bénis soient mes parents qui m'ont appris à la connaître ! Mes pauvres parents, ma pauvre mère, mon pauvre père, que vont-ils devenir quand ils vont apprendre ce que je suis devenu ? Ô ma bien-aimée, ma chère Michelle, prends-en bien soin de mes pauvres parents tant qu'ils seront de ce monde, sois leur consolation et leur soutien dans leur douleur, je te les laisse à tes bons soins, dis-leur bien que je n'ai pas mérité cette punition si dure et que nous nous retrouverons tous en l'autre monde, assiste-les à leurs derniers moments et Dieu t'en récompenseras, demande pardon pour moi à tes bons parents de la peine qu'ils vont éprouver par moi, dis-leur bien que je les aimais beaucoup et qu'ils ne m'oublient pas dans leurs prières, que j'étais heureux d'être devenu leur fils et de pouvoir les soutenir et en avoir soin sur leurs vieux jours mais puisque Dieu en a jugé autrement, que sa volonté soit faite et non la mienne. Au revoir là-haut, ma chère épouse.
Jean "
D'autres lettres des fusillés
Jean QUINAULT à sa femme.
" Je t'écris mes dernières nouvelles. C'est fini pour moi. J'ai pas le courage. Il nous est arrivé une histoire dans la compagnie. Nous sommes passés 24 au conseil de guerre. Nous sommes 6 condamnés à mort. Moi, je suis dans les 6 et je ne suis pas plus coupable que les camarades, mais notre vie est sacrifiée pour les autres. Dernier adieu, chère petite femme. C'est fini pour moi. Dernière lettre de moi, décédé pour un motif dont je ne sais pas bien la raison. Les officiers ont tous les torts et c'est nous qui sommes condamnés à payer pour eux. Jamais j'aurais cru finir mes jours à Vingré et surtout d'être fusillés pour si peu de chose et n'être pas coupable. Ça ne s'est jamais vu, une affaire comme cela. Je suis enterré à Vingré ... "
Henri FLOCH à sa femme.
" Ma bien chère Lucie, Quand cette lettre te parviendra, je serai mort fusillé. Voici pourquoi : le 27 novembre, vers 5 heures du soir, après un violent bombardement de deux heures, dans une tranchée de première ligne, et alors que nous finissions la soupe, des Allemands se sont amenés dans la tranchée, m’ont fait prisonnier avec deux autres camarades. J’ai profité d’un moment de bousculade pour m’échapper des mains des Allemands. J’ai suivi mes camarades, et ensuite, j’ai été accusé d’abandon de poste en présence de l’ennemi.
Nous sommes passés vingt-quatre hier soir au Conseil de Guerre. Six ont été condamnés à mort dont moi. Je ne suis pas plus coupable que les autres, mais il faut un exemple. Mon portefeuille te parviendra et ce qu’il y a dedans. Je te fais mes derniers adieux à la hâte, les larmes aux yeux, l’âme en peine. Je te demande à genoux humblement pardon pour toute la peine que je vais te causer et l’embarras dans lequel je vais te mettre…
Ma petite Lucie, encore une fois, pardon. Je vais me confesser à l’instant, et espère te revoir dans un monde meilleur. Je meurs innocent du crime d’abandon de poste qui m’est reproché. Si au lieu de m’échapper des Allemands, j’étais resté prisonnier, j’aurais encore la vie sauve. C’est la fatalité.
Ma dernière pensée, à toi, jusqu’au bout.
Henry Floch "
Avoir un fusillé dans sa famille est lourd de conséquences. Les femmes n'auront aucune pension de veuve de guerre et il y a le regard des autres est très difficile à supporter. La fils de Claude Pettelet dû arrêter l'école et sa mère sortait armée à la suite de nombreuses menaces.
Il fallait des figures et des exemples de " mauvais soldats " pour motiver la troupe. Le regard était très sévère de la part des autres femmes qui avaient encore leur mari dans les tranchées. La figure du fusillé est celui du lâche cette époque.
Il faut savoir que les exécution pour l'exemple ont été plus nombreuses dans les années 1914-1915 qu'en 1917 qui est pourtant connue pour ses mutineries.
Les soldats de Vingré furent réhabilités par la Cour de Cassation le 29 janvier 1921.
Jérémy
youloveme82- Admin
- Messages : 14058
Date d'inscription : 23/09/2010
Age : 42
Localisation : Nord
Re: Les martyrs de Vingré : Pierre GAY, Henri FLOCH, Claude PETTELET, Francisque DURANTET, Jean QUINAULT, Jean BLANCHARD
Bonsoir Jérémy ,
Jusqu'à ce soir, je ne connaissais que le monument, l'abri et un résumé de ce qui était arrivé à ces malheureux.
Pour moi, ils ont maintenant un visage.
Merci pour ce reportage, les lettres sont particulièrement émouvantes...
Stephan
Jusqu'à ce soir, je ne connaissais que le monument, l'abri et un résumé de ce qui était arrivé à ces malheureux.
Pour moi, ils ont maintenant un visage.
Merci pour ce reportage, les lettres sont particulièrement émouvantes...
Stephan
minen- Membre actif
- Messages : 200
Date d'inscription : 25/02/2011
Age : 51
Re: Les martyrs de Vingré : Pierre GAY, Henri FLOCH, Claude PETTELET, Francisque DURANTET, Jean QUINAULT, Jean BLANCHARD
Bonsoir,
et un grand merci pour ce reportage poignant, superbe et terrible de bout en bout.
Olivier.
et un grand merci pour ce reportage poignant, superbe et terrible de bout en bout.
Olivier.
oliv06- Admin
- Messages : 6651
Date d'inscription : 27/05/2010
Localisation : sud
Re: Les martyrs de Vingré : Pierre GAY, Henri FLOCH, Claude PETTELET, Francisque DURANTET, Jean QUINAULT, Jean BLANCHARD
Merci pour tous ses témoignages
Davsky- Gold member
- Messages : 1222
Date d'inscription : 10/10/2010
Localisation : JURA
Re: Les martyrs de Vingré : Pierre GAY, Henri FLOCH, Claude PETTELET, Francisque DURANTET, Jean QUINAULT, Jean BLANCHARD
bonsoir
Très emouvant ce temoignage et je constate amerement une fois de plus que les accusés sont jugés à la va vite, fusillés presque immediatement, et pour la plupart ont été rehabilités....l'honneur est sauf mais si la justice militaire avait pris plus de temps ils seraient peut être sorti de la guerre indemne, par contre le 1er conn... qui tue un gosse en voiture sans permis et reciviste lui on va mettre 4 ans à le juger.........
Très emouvant ce temoignage et je constate amerement une fois de plus que les accusés sont jugés à la va vite, fusillés presque immediatement, et pour la plupart ont été rehabilités....l'honneur est sauf mais si la justice militaire avait pris plus de temps ils seraient peut être sorti de la guerre indemne, par contre le 1er conn... qui tue un gosse en voiture sans permis et reciviste lui on va mettre 4 ans à le juger.........
snafu- Gold member
- Messages : 1137
Date d'inscription : 22/01/2011
Localisation : Sous un Dolmen....;aie c'est lourd!!!
Re: Les martyrs de Vingré : Pierre GAY, Henri FLOCH, Claude PETTELET, Francisque DURANTET, Jean QUINAULT, Jean BLANCHARD
cela fait froid dans le dos , les condamnés sont étonnement "calme" dans leurs lettres d'adieux ..
RIP.
Guilhaume
RIP.
Guilhaume
G-N- Banni
- Messages : 179
Date d'inscription : 03/05/2011
Localisation : Belgique
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