La" fantaisie" des uniformes
5 participants
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La" fantaisie" des uniformes
Bonjour à tous
J'ai retrouvé cet extrait de "La main coupée" de Blaise Cendrars.
Comme quoi nous sommes parfois trop "puristes" pour nos uniformes
Amicalement
Nous avions touché le Képi, le fameux "pot de fleur", et portions la capote d'infanterie de ligne. L'intendance était démunie, on nous avait distribué des vareuses des pompiers de la ville de Paris et des pantalons bleus d'artilleurs, à larges bandes rouges. Ces pantalons eurent le don d'exaspérer le général de Castelnau quand nous montâmes en ligne... Alors, aussitôt descendu de Rosières où nous avions fait de si brillants débuts, on nous fit découdre nos pantalons et arracher ces larges bandes rouges réservées aux artilleurs. Or, ces pantalons étaient de première qualité et façonnés comme on ne le fait plus; les bandes rouges prises dans la couture étaient aussi largement ourlées à l'intérieur qu'elles étaient étalées à l'extérieur. Il fallut défaire et arracher tout ça, et comme la plupart des hommes ne savaient pas coudre, le résultat de ce beau travail fût que nous passâmes l'hiver en loques, les coutures béantes ou ne tenant pas, laissant voir la peau, maintenues par des épingles à nourrice et des agrafes faites avec des bouts de fil de fer, les jambes du pantalon faisant des plis en accordéon, des boursouflures aux genoux et des crevés aux cuisses. En décembre nous touchâmes des pantalons rouge garance, puis, huit jours plus tard, des housses en toile bleue à revêtir par dessus pour cacher ce rouge par trop voyant. Puis, dans les mois suivants, et de quinze jours en quinze jours, tous les modèles de tenue que les tailleurs des bureaux de l'intendance imaginaient au ministère à Paris pour moderniser l'aspect extérieur du pioupiou français, trouver un modèle adéquat aux nécessités de la guerre et des teintes de camouflages allant du jaune de Naples sali au blanc crayeux, en passant par toutes les nuances fanées ou rouillées du réséda et du kaki avant d'opter définitivement pour le bleu horizon. Jamais nous n'avons vu autant d'officiers supérieurs s'occuper de nous. Je ne sais pas pourquoi notre régiment - et spécialement notre 6° compagnie - fut spécialement choisi pour servir d'expérience à ces fantaises vestimentaires. Mais comme ces nouveaux effets n'arrivaient que par petits paquets, nous ne fûmes jamais plus de deux poilus à être habillés de façon identique, si bien que nous faisions tâches et que sur la route le régiment-caméléon défilait maintenant comme une mascarade versicolore, et je ne sais pas ce que le général de Castelau en eût alors pensé... Seulement quel gachis! Chaque fois que l'on changeait de tenue, on brûlait la précédente, même si elle n'avait été portée que huit jours, et quand à la fin du printemps tout le régiment fut uniformément habillé de la tenue bleue horizon, le régiment fût versé dans la Légion et nous touchâmes l'uniforme kaki de la Légion d'Afrique (division marocaine) et la tenue bleue horizon que le régiment venait de revêtir fût également brulée quoique toute neuve - Blaise Cendrars - La main coupée - Plein-de-soupe
J'ai retrouvé cet extrait de "La main coupée" de Blaise Cendrars.
Comme quoi nous sommes parfois trop "puristes" pour nos uniformes
Amicalement
Nous avions touché le Képi, le fameux "pot de fleur", et portions la capote d'infanterie de ligne. L'intendance était démunie, on nous avait distribué des vareuses des pompiers de la ville de Paris et des pantalons bleus d'artilleurs, à larges bandes rouges. Ces pantalons eurent le don d'exaspérer le général de Castelnau quand nous montâmes en ligne... Alors, aussitôt descendu de Rosières où nous avions fait de si brillants débuts, on nous fit découdre nos pantalons et arracher ces larges bandes rouges réservées aux artilleurs. Or, ces pantalons étaient de première qualité et façonnés comme on ne le fait plus; les bandes rouges prises dans la couture étaient aussi largement ourlées à l'intérieur qu'elles étaient étalées à l'extérieur. Il fallut défaire et arracher tout ça, et comme la plupart des hommes ne savaient pas coudre, le résultat de ce beau travail fût que nous passâmes l'hiver en loques, les coutures béantes ou ne tenant pas, laissant voir la peau, maintenues par des épingles à nourrice et des agrafes faites avec des bouts de fil de fer, les jambes du pantalon faisant des plis en accordéon, des boursouflures aux genoux et des crevés aux cuisses. En décembre nous touchâmes des pantalons rouge garance, puis, huit jours plus tard, des housses en toile bleue à revêtir par dessus pour cacher ce rouge par trop voyant. Puis, dans les mois suivants, et de quinze jours en quinze jours, tous les modèles de tenue que les tailleurs des bureaux de l'intendance imaginaient au ministère à Paris pour moderniser l'aspect extérieur du pioupiou français, trouver un modèle adéquat aux nécessités de la guerre et des teintes de camouflages allant du jaune de Naples sali au blanc crayeux, en passant par toutes les nuances fanées ou rouillées du réséda et du kaki avant d'opter définitivement pour le bleu horizon. Jamais nous n'avons vu autant d'officiers supérieurs s'occuper de nous. Je ne sais pas pourquoi notre régiment - et spécialement notre 6° compagnie - fut spécialement choisi pour servir d'expérience à ces fantaises vestimentaires. Mais comme ces nouveaux effets n'arrivaient que par petits paquets, nous ne fûmes jamais plus de deux poilus à être habillés de façon identique, si bien que nous faisions tâches et que sur la route le régiment-caméléon défilait maintenant comme une mascarade versicolore, et je ne sais pas ce que le général de Castelau en eût alors pensé... Seulement quel gachis! Chaque fois que l'on changeait de tenue, on brûlait la précédente, même si elle n'avait été portée que huit jours, et quand à la fin du printemps tout le régiment fut uniformément habillé de la tenue bleue horizon, le régiment fût versé dans la Légion et nous touchâmes l'uniforme kaki de la Légion d'Afrique (division marocaine) et la tenue bleue horizon que le régiment venait de revêtir fût également brulée quoique toute neuve - Blaise Cendrars - La main coupée - Plein-de-soupe
carency- Gold member
- Messages : 2629
Date d'inscription : 08/06/2010
Re: La" fantaisie" des uniformes
Bonjour,
Très intéressant ce passage. Comme quoi entre les instructions officielles et la réalité du terrain ...
Jérémy
Très intéressant ce passage. Comme quoi entre les instructions officielles et la réalité du terrain ...
Jérémy
youloveme82- Admin
- Messages : 14058
Date d'inscription : 23/09/2010
Age : 42
Localisation : Nord
Re: La" fantaisie" des uniformes
salut ,
super intéressant .
il les on bruler quel grand regret pour les collectionneurs :s
pierre-er
super intéressant .
il les on bruler quel grand regret pour les collectionneurs :s
pierre-er
Pierre-er- Gold member
- Messages : 945
Date d'inscription : 27/05/2010
Age : 30
Localisation : Rouen
Re: La" fantaisie" des uniformes
Tres interessant !
Comme quoi l'intelligence est bien une invention individuelle alors que la c.nnerie est une invention collective !!!
Pour en arriver à ce point là il faut vraiment le vouloir !!!
Ludo
Comme quoi l'intelligence est bien une invention individuelle alors que la c.nnerie est une invention collective !!!
Pour en arriver à ce point là il faut vraiment le vouloir !!!
Ludo
PETIGNY- Gold member
- Messages : 2799
Date d'inscription : 04/06/2010
Age : 51
Localisation : Rhone-Alpes
Re: La" fantaisie" des uniformes
Bonjour
Le gaspillage est une marque de fabrique de certaines armées, la notre je crois ne fait pas exception.......
2 exemples "modernes"
*Il y a une trentaine d'année (et oui, je ne suis pas tout jeune ), à Bourges, l'armée a brulé des stocks neuf issus de l'armée américaine avec des "matons" chargé d'empêcher la récup.
Je me souviens d'une montagne de paire de brodequins en train de cramer, un pote de l'époque a réussi à en gauler une paire..........longtemps après, lorsque je les ai revues...........j'ai identifié avec stupéfaction qu'il s'agissait de bottes de saut de para US......ilmaginez l'argent parti en fumée.....
*Lors de mon service militaire : les "sortants" rendaient tout le paquetage hors sous vêtements , pyjama en nylon et tenue de stroumpf (survetement de sport).
Les sous gants et les gants en cuir retournaient chez le fourriers ..........pour y être lacérés au cutter et jetés......
Comme quoi..........
amicalement
Xavier
Le gaspillage est une marque de fabrique de certaines armées, la notre je crois ne fait pas exception.......
2 exemples "modernes"
*Il y a une trentaine d'année (et oui, je ne suis pas tout jeune ), à Bourges, l'armée a brulé des stocks neuf issus de l'armée américaine avec des "matons" chargé d'empêcher la récup.
Je me souviens d'une montagne de paire de brodequins en train de cramer, un pote de l'époque a réussi à en gauler une paire..........longtemps après, lorsque je les ai revues...........j'ai identifié avec stupéfaction qu'il s'agissait de bottes de saut de para US......ilmaginez l'argent parti en fumée.....
*Lors de mon service militaire : les "sortants" rendaient tout le paquetage hors sous vêtements , pyjama en nylon et tenue de stroumpf (survetement de sport).
Les sous gants et les gants en cuir retournaient chez le fourriers ..........pour y être lacérés au cutter et jetés......
Comme quoi..........
amicalement
Xavier
LeXav- Admin
- Messages : 5780
Date d'inscription : 21/06/2010
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